Qu'est-ce que la traite des personnes?
La traite des personnes est l’exploitation d’êtres humains ayant pour but le profit financier. L’exploitation associée à cette traite peut prendre plusieurs formes et implique habituellement que les victimes sont obligées, par la force, la coercition, la tromperie et/ou l’abus de confiance, la puissance ou l’autorité, d’offrir des services sexuels ou de main-d’œuvre. La traite des personnes entraîne de ce fait des traumatismes physiques, psychologiques et émotifs significatifs chez les victimes.
Contrairement aux mythes répandus, la traite des personnes n’implique pas nécessairement que les victimes traversent des frontières. Elle peut être perpétrée par un seul individu, un gang ou un réseau criminel organisé. Elle peut aussi être commise par une compagnie ou un employeur.
Le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000), aussi connu sous le nom de Protocole de Palerme, est l’instrument international principal concernant la traite des personnes. Le Protocole recommande une approche centrée sur les victimes pour contrer les dommages de la traite des personnes par le biais de la prévention de la traite et la protection des victimes.
Le Canada a ratifié le Protocole de Palerme en 2002. Des infractions relatives à la traite des personnes sont incluses dans les articles 279.01 à 279.04 du Code criminel. Afin de lutter plus efficacement contre la traite des personnes, le Code criminel élargit la description des individus qui peuvent être considérés trafiquants de personnes. Il criminalise aussi certains actes en dehors de la traite elle-même et des situations où il n’y a pas de profit financier.
La traite des personnes implique des gestes qui mènent à l’exploitation d’être humains au profit continu de trafiquants ou exploiteurs. Ainsi, elle ne se limite pas au simple fait d’exploiter et implique plutôt une série de gestes qui amènent la victime à se retrouver dans une situation d’exploitation.
Les victimes et les survivants de la traite des personnes refusent souvent d’aller jusqu’à raporter les situations de traite des personnes aux organismes d’application de la loi. Cette réticence peut s’expliquer par la peur de représailles de la part des trafiquants ou par la peur d’avoir commis des infractions elles-mêmes, ce qui rend difficile pour les organismes d’application de la loi la collecte de preuves crédibles.
Pour contrer ce problème, la loi cible tous ceux qui peuvent être impliqués dans la chaîne de traite des personnes. Les gestes consistant à recruter, transporter, transférer, recevoir, retenir, cacher ou héberger des victimes sont tous considérés comme faisant partie de la traite. Ainsi, quiconque contribuant à n’importe lequel de ces gestes est un trafiquant. Par exemple, la personne qui conduit une victime de chez elle à l’endroit où elle est forcée à se prostituer est considérée comme un trafiquant si elle avait pleine connaissance de la raison pour laquelle elle transportait la victime.
Il peut malgré tout s’avérer difficile de prouver les gestes commis par le trafiquant pour exploiter la victime. C’est pourquoi, grâce au Code criminel, le trafiquant peut aussi être puni pour avoir exercé un contrôle, une gestion ou une influence sur les mouvements de la victime. Par exemple, un garde qui surveille une victime effectuant du travail agricole forcé est considéré comme étant un trafiquant.
Afin de déterminer si une situation répond aux critères de la traite des personnes, la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes emploie un modèle d’Action-Relation et But. Il est utilisé pour déterminer si le trafiquant potentiel est impliqué dans un acte de recrutement, transport, transfert, réception, détention, dissimulation et hébergement de la victime. Il permet aussi d’identifier si celui-ci possède une relation de contrôle sur la victime et s’il entendait exploiter la victime.
Souvent, les trafiquants font usage de la force, la contrainte ou la tromperie pour placer la victime dans une situation dans laquelle elle peut être exploitée. Par exemple, un trafiquant peut faire de fausses promesses concernant un emploi merveilleux à l’étranger pour attirer la victime hors de son pays natal, puis l’héberger dans des conditions pitoyables et ne pas la payer.
Dans le contexte du Canada, la traite peut aussi s’effectuer sans force, contrainte ou tromperie et même avec le consentement de la victime. Par exemple, un travailleur domestique étranger pourrait avoir trop peur de quitter son emploi et continue de travailler même s’il n’est pas payé parce que son employeur retient son passeport.
Dissimuler, enlever, retenir ou détruire des documents de voyage, un passeport ou un visa sont des indices importants de traite des personnes. L’abus d’une position de confiance, de pouvoir ou d’autorité est aussi un indice important de l’intention du trafiquant d’exploiter sa victime.
Selon la GRC, de 2005 à décembre 2018, des chefs d’accusation de traite des personnes ont été déposés dans 531 dossiers. Parmi ceux-ci :
- 510 étaient locaux (intérieurs au Canada) (principalement d’exploitation sexuelle);
- 21 étaient internationaux (principalement de travail forcé);
- 327 victimes étaient impliquées;
- 257 individus ont été reconnus coupables d’infractions multiples;
- 316 dossiers sont toujours actifs devant les tribunaux (impliquant environ 511 accusés et 420 victimes); et
- 143 ont mené à des condamnations de traite des personnes ou d’infractions connexes (ex. : proxénétisme, vivre des produits de la prostitution, isolement forcé, tenir une maison de débauche, etc.).
Étant donnée la réticence des victimes et des témoins à témoigner et la difficulté d’identifier les victimes, il est difficile d’évaluer l’étendue de la traite des personnes au Canada.
À ce jour, la peine d’emprisonnement la plus longue prononcée au Canada pour un cas de traite des personnes est de 23 ans pour exploitation sexuelle (condamnation par un juge) et de neuf ans pour travail forcé (plaidoyer de culpabilité).
L’achat de services sexuels est une infraction criminelle au Canada. Cependant, la prostitution n’est pas une infraction criminelle. La sollicitation de services sexuels est seulement criminalisée lorsqu’elle s’effectue des façons suivantes :
- Dans un lieu public;
- Dans n’importe quel endroit situé à la vue du public;
- Près d’une école, d’un terrain de jeux ou d’un centre de la petite enfance; ou
- D’une façon qui arrête ou ralentit la circulation des véhicules ou des piétons.
Les proxénètes sont ceux qui recrutent d’autres personnes pour offrir des services sexuels en échange d’argent. Si la personne qui se prostitue le fait volontairement, le proxénète commet une infraction de proxénétisme, selon l’article 286.3 du Code criminel. Cependant, si la victime est exploitée (c’est-à-dire forcée ou entraînée par tromperie à se prostituer), le proxénète devient un trafiquant de personnes et est puni plus sévèrement.
Contrairement à la traite des personnes qui peut se faire tant au niveau national qu’international, l’organisation d’entrée illégale des personnes (aussi appelée passage de clandestins) est un crime qui ne se fait qu’à travers les frontières. L’entrée illégale consiste à aider ou à faciliter l’entrée ou le séjour illégal des personnes au Canada, pour un gain financier ou matériel. Contrairement à la traite des personnes, l’organisation d’entrée illégale ne nécessite pas le recours à la force, à la coercition, à la tromperie ou à l’abus de confiance, de pouvoir ou d’autorité à l’égard des victimes.
La première étape d’une situation type de traite des personnes est l’identification de la victime par le trafiquant. Le trafiquant peut être un ami de coeur, un agent de recrutement, un membre de la famille ou toute personne de confiance. La deuxième étape est l’établissement par le trafiquant d’une relation de confiance avec la victime, par exemple en lui achetant des cadeaux ou en lui accordant une attention particulière. Le trafiquant apprend alors les faiblesses de la victime et exploite celles-ci pendant la troisième étape. C’est à ce moment que le trafiquant établit son contrôle sur la victime. Les victimes sont souvent incapables d’échapper au trafiquant, qui emploie la force, l’agression sexuelle ou les menaces de violence contre elles. Finalement, la victime est constamment exploitée et subit des abus physiques, sexuels et psychologiques.
Bien que les femmes constituent la majorité des victimes de la traite des personnes au Canada, les hommes et les enfants peuvent aussi en être victimes. Les personnes les plus à risque comprennent :
- Les individus qui sont défavorisés au niveau social ou économique, dont les femmes, les adolescents(es) et les enfants d’origine autochtone, les migrants et les nouveaux immigrants, et les adolescents sans abris ou en fugue,
- Les femmes et les filles attirées vers les centres urbains ou qui y déménagent volontairement.
Les lieux présentant des risques élevés de traîte des personnes pour de la prostitution forcée :
- Les services d’accompagnement (escortes);
- Internet (surtout les sites d’annonces classées);
- Les hôtels et motels;
- Les salons de massage;
- Les studios de photos pour mannequins;
- Les bars et les boîtes de nuit;
- Les résidences privées; et
- Les refuges.
Les endroits présentant des risques élevés de traite des personnes pour du travail forcé comprennent :
- Les installations agricoles;
- Les sites de construction;
- Le service domestique; et
- Les restaurants.
Il y a peu de signaux très clairs de la traite des personnes. Une personne peut être une victime potentielle de la traite des personnes si elle :
- Présente un changement de comportement soudain;
- Répond rarement aux appels ou aux messages et disparaît pendant de longues périodes;
- Déménage fréquemment et change souvent d’adresse;
- Présente des blessures et des ecchymoses;
- Ne connaît pas le quartier où elle travaille ou vit;
- N’a pas de passeport ou d’autres pièces d’identité importantes, ou si son passeport, son visa ou ses documents de voyage ont été confisqués par son employeur;
- Ne parle pas en son propre nom; et
- Présente des signes de malnutrition ou de surmenage.